Déjà que mes retours à la maison ne sont pas drôles ! C'est le
moment où mes parents ont le plus de travail et rarement une minute à me
consacrer. Pourtant, j'ai affreusement besoin de câlins, d'attention et de
vider mon sac au sens propre comme au sens figuré. Je voudrais pouvoir me poser
au calme et faire avec eux le bilan de la semaine.
Quant à mon sac, il n'a rien de propre et Maman s'arrache les
cheveux quand elle découvre le mélange de linge mal rangé, les serviettes de
toilette au bord de la moisissure et l'odeur insistante de cheval qui imprègne
le tout. Ce parfum tenace, Papa et Maman l'aiment autant que moi mais ce
concentré d'une semaine parvient même à me gêner moi quand je sors du contexte
du club pour reprendre mes petites habitudes de la maison.
Le samedi, traditionnellement, je fais le box d'Un Amour, notre
cheval (c'était l'année des U !) C'est grâce à lui que j'ai attrapé le virus.
Mes parents l'ont acheté en arrivant ici parce qu'ils ont toujours adoré les
chevaux et que le restaurant trône au milieu d'un hectare de terrain.
C'était leur rêve d'enfant d'avoir un cheval à eux. Entre rêve et
réalité, il y a un grand écart. Quand on devient adulte, chargé de famille et
qu'on exerce un métier avec des journées de seize heures en moyenne, il faut
bien enrôler quelqu'un pour combler
l'écart. Et ce quelqu'un, devinez, c'est moi !
Un Amour passe sa semaine à brouter dans le pré et rentre au box
la nuit. Mes parents ont juste le temps de le nourrir matin et soir et de
remplir son seau d'eau entre deux services. Un cheval boit entre 40 et 60
litres d'eau par jour et il n'y a pas d'abreuvoir automatique comme au club.
Quand je rentre, bonjour les dégâts ! Le box est plein de crottins
et de paille souillée d'urine et la robe d'Un Amour maculée de boue. Notre
cheval adore se rouler et, de préférence à proximité d'une flaque d'eau. C'est
plus fort que lui, dès qu'on le lâche, il trotte tête en l'air, naseaux
ronflant de bonheur.
|