Clélia Simon peste et bougonne en sautant une flaque après l'autre pour gagner l'Abribus au coin du lycée. Ce soir, elle a été retenue par sa prof de français et la guérite est déserte. Non ! Sur un banc du fond, un homme jeune est assis, recroquevillé dans son imper trempé. L'adolescente l'a déjà vu les autres soirs mais elle était en trop nombreuse compagnie pour lui prêter attention.

   Aujourd'hui, ils sont seuls. Elle le salue en bon voisinage et s'assied à quelques sièges de lui.

   Clélia rejette sa capuche dégouttant d'eau et secoue ses cheveux châtains très bouclés.

   - Quel sale temps, rage-t-elle, je suis allergique à la pluie.

   - Moi aussi.

   La conversation anodine roule sur ce sujet que tous ont à la bouche.

    Clélia jette un regard à sa montre :

   - Le bus est en retard, ne passe-t-il pas à 18 H 37 ?

   - Ce doit être ça.

   - Vous le prenez souvent à cette heure-là ?

   - Je ne le prends jamais.

   - Alors, que faites-vous dans l'Abribus ?

   - Je me protège des ondées.

   - Pendant longtemps ?

   - Jusqu'au matin.

   - Jusqu'au matin ?

   - Parfois, je change d'endroit, mais c'est le mieux abrité de la ville.

   - Vous voulez dire que vous n'avez pas de maison ?

   - C'est ça, très exactement ça.