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Le mal aimé

 

- extrait -

 

 

 

 

 

Dans une petite case douillette du pigeonnier, deux pigeonneaux sont nés. Rien d'extraordinaire à cela. : un couple de pigeons a généralement deux petits à la fois, jamais plus. La femelle couve une grande partie de la journée, mais le mâle la remplace, afin qu'elle puisse manger et se délasser. Quand les petits naissent, les deux parents peuvent les nourrir à la becquée. Une famille idéale !

Sauf que là, ce n'était pas tout à fait pareil, car Tocsana, la pigeonne préférée de M. Brice, avait perdu son pigeon chéri, lors de leur dernier vol commun.

Certains élèvent des pigeons pour les manger, d'autres collectionnent les races et les couleurs pour le plaisir ou les expositions, M. Brice, lui, possédait des pigeons voyageurs. C'était sa passion, son métier, sa raison de vivre et Mme Brice, en épousant l'homme, avait marié la « pigeon mania ».

Maintenant que les pigeons voyageurs ne sont plus utiles pour correspondre entre deux châteaux ou deux régiments militaires, il demeure des éleveurs qui entraînent leurs oiseaux et participent à des concours. Ils habituent le pigeon à son pigeonnier puis le transportent dans une cage et le lâchent. Petit à petit, la distance à parcourir, pour rentrer à la maison, grandit.

Le pigeon voyageur est un sportif accompli, et les maîtres ne sont pas tendres. Si un pigeon s'attarde en chemin trois ou quatre jours, c'est qu'il n'est pas bon. Inutile alors de le lâcher une deuxième fois ou de le laisser reproduire. Il est mauvais ? À la casserole !

Par contre, quand un pigeon est bon, on le dorlote, on le chérit, on le caresse à la folie. Tocsana était la bonne des bonnes, la meilleure pigeonne de France, d'Europe et, à en croire M. Brice, du monde entier, si tous les pays s'étaient donnés la peine d'organiser des concours de pigeons voyageurs et de l'inviter.

Depuis que Tocsana vivait chez les Brice, il ne leur était arrivé que des choses agréables. Ils collectionnaient les prix, les succès et les visites de tous les amoureux des pigeons voyageurs.

M. Brice avait marié Tocsana à un magnifique mâle, Raoul III, le petit-fils de Raoul 1er qui, en son temps, s'était montré excellent. Le couple avait donné naissance à plein de pigeonneaux superbes qui remportaient des concours à tour de bras (ou plutôt à tour d'ailes) et mettaient au monde des oisillons superbes, qui remportaient des concours et.

 

 

 

Bref, tout alla merveilleusement bien jusqu'au drame ! Lors du dernier concours de la saison, le temps ensoleillé vira soudain à l'orage, un orage d'une violence extrême. Des trombes d'eau s'abattirent sur la ferme, le pigeonnier et les champs voisins, sur la forêt à l'horizon et les villages lointains.

Tocsana rentra la première, comme toujours, mais la tête hérissée et les plumes en bataille. Au fil des heures, ses petits et les petits de ses petits se posèrent un à un sur les planchettes d'envol du pigeonnier. Tous étaient trempés et présentaient piteuse allure. Lorsque la nuit tomba, Raoul III, n'était toujours pas arrivé. Tocsana l'attendait devant le nid et elle refusa de manger en l'absence de son fidèle époux.

Le lendemain passa sans retour de l'aimé. M. et Mme Brice avaient déjà compris qu'ils ne reverraient pas Raoul III. Un pigeon si rapide, si régulier, ne prend jamais de retard, sauf accident fatal.Tocsana dépérissait à vue d'oeil. Prostrée, le regard morne, elle refusait de s'alimenter ou même de boire. Il fallut la nourrir à la seringue. Elle faillit y rester. M. Brice semblait aussi triste qu'elle. Sa belle des belles n'était pas seulement la meilleure en voyage, elle se montrait aussi la plus fidèle des épouses.

Mme Brice ne s'en laissa pas conter :

- Pas compliqué, dit-elle, il suffit de lui trouver un autre pigeon, et elle va se requinquer.

M. Brice haussa les épaules :

- S'il m'arrivait quelque chose, accepterais-tu de te remarier la semaine suivante ?

- Cela n'a rien à voir, répondit Mme Brice. Tocsana n'est qu'une pigeonne ! Les oiseaux n'aiment pas aussi fort que les humains.

- Pff ! marmonna M. Brice dans sa moustache, tu n'as jamais rien compris aux pigeons.

 mMireille Mirej, 2001.

Juste quelques photos pour vous aider à patienter.

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