Jusqu'à ce jour, les accès de mauvaise humeur dépassant mon
intention appar- tenaient aux choses courantes, il me faut le reconnaître, mais
la perte de contrôle relevait de la catégorie des événements exceptionnels et,
généralement, dans des situations si anodines que continuer à se dominer
paraîtrait un luxe inouï.
Dure, apparemment inébranlable, je dominais toujours mes pulsions
et n'autorisais aucun vent à me porter là où je ne le souhaitais pas.
Cette énergie perdue dans des joutes sans grandeur, gaspillée lors
de luttes sans mérite me fait ici cruellement défaut. Aujourd'hui que le combat
en vaut la peine, je ne suis plus rien, ne me possède plus, mieux je me
retrouve complètement possédée.
Je virevolte d'une idée à l'autre, d'une douleur à l'autre, mon
coeur me harcèle, mon ventre gronde.
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