- Tu dormiras là, dit l'oncle en désignant une paillasse au fond d'un étroit cagibi.

    Indra ne répondit rien, hocha la tête. Elle était bien étonnée. On lui avait fait traverser un appartement luxueux dont les moquettes ressemblaient à des prairies au printemps et où les lits disparaissaient sous des amoncellements de coussins.

    Sa tante ne prononça pas une parole non plus, et la porte du cagibi se referma sur elle.

Indra pouvait à peine se retourner dans la pièce minuscule. Elle parvint à poser sa valise au bout de la paillasse et l'ouvrit. Il y a avait là tous ses trésors, mais la première chose qu'elle chercha fut cette lettre qui avait fait basculer son univers, quelques semaines plus tôt.

    Elle sortit le feuillet de son enveloppe et, à la faible lumière de la veilleuse qui empêchait le cagibi d'être totalement noir, elle la relut pour la centième fois.

    « Ma chère soeur,

    Nous sommes installés maintenant à Paris pour plusieurs années et pensons que tu pourrais nous envoyer Indra En effet, avec tous les enfants que tu as mis au monde, une bouche à nourrir de moins te ferait le plus grand bien. Indra étant l'aînée, ce serait une bonne occasion pour toi d'alléger tes charges. Comme ton mari n'est bon qu'à te faire des enfants, c'est donc ton grand frère qui se chargera de l'éducation d'Indra comme si elle était sa fille. Je t'envoie le prix du billet. Indra sera très heureuse à Paris et pourra considérer Lucia, Ben et Tim comme ses frères et soeur. 

    Ton frère qui t'aime et ne t'oublie pas.

    P.-S. : N'achète rien pour ce voyage. Ce n'est pas la peine de t'endetter encore plus. »