Je n'ai pas du tout aimé me retrouver avec
elle dans le noir, quand l'extérieur était plein de soleil et d'admirateurs.
Mais je ne pouvais pas faire autrement.
Alors, j'ai plongé mon museau
sous la mamelle. Finalement, je n'ai pas trouvé ça trop mauvais, le colostrum,
et je m'en suis mis jusqu'en haut des oreilles.Une naissance publique, ça crée
des liens et des besoins. Le plus souvent possible, durant ma petite enfance,
j'ai mis ma tête à la porte pour regarder dehors.
Ce n'était pas facile, car ces
ouvertures sont faites pour les chevaux adultes, pas du tout pour les poulains.
Je tendais mon encolure au maximum, me mettais sur la pointe des sabots et, le
nez en vadrouille, je humais, écoutais, devinais tout ce que je ne pouvais pas
voir.
De temps en temps, je
m'écroulais de fatigue et dormais. le moins possible. Je ne supportais pas de
ne plus avoir accès à ma fenêtre sur le club.
Mon attitude contrariait ma
mère. Elle répétait que j'allais grandir tordue, à force de m'étirer dans tous les
sens. Quand elle était vraiment en colère, elle disait même que je ne
grandirais pas du tout, puisque une bonne croissance se fait en dormant.
À vrai dire, je m'en moquais
complètement, et la conversation des humains qui se penchaient à ma fenêtre m'intéressait
beaucoup plus que ses longs discours.
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