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Une jument effrontée

 

- extrait -

 

Paru au Pré du Plain en juin 2005

www.lepreduplain.com

  

 

 

 

D'habitude, les poulains naissent la nuit. Oui ! mais moi, je suis arrivée en plein jour. C'est une chose tellement rare que tous les membres du club ont couru vers le box de maman pour voir ça.

Quand j'ai ouvert mes yeux sur le monde, il y avait plein de gens autour de moi, grands et petits.

Ces gens qui me regardaient, cela m'a rendu curieuse. Qu'ils étaient étranges avec leur visage plats sans poil et leurs petits bras perchés au-dessus de longues échasses !

Maman m'a léché vigoureusement pour sécher mes poils. Cela m'a donné des forces et j'ai assez vite réussi à me mettre debout.

Je n'ai pas fait mes premiers pas pour aller téter ma mère. Non ! Je n'avais qu'une envie : regarder cette foule de plus près. Quand on vient de naître, on n'a pas la vision longue distance.

Je me suis avancée vers la porte, naseaux bien ouverts, oreilles dressées, yeux écarquillés pour savoir à qui j'avais affaire.

À plusieurs reprises, maman a essayé de se glisser entre les visiteurs et moi. Elle me poussait du nez sous son ventre pour je boive le plus vite possible le bon colostrum nécessaire à mes débuts dans la vie.

Chaque fois, je profitais de ma petite taille pour passer sous elle et revenir observer. les Hommes.

À la fin, Céline et Dominique, mes naisseurs, se sont fâchés. Ils ont chassé les curieux et fermé les deux battants de la porte du box. Maman m'a également fait la leçon.

 

 

Je n'ai pas du tout aimé me retrouver avec elle dans le noir, quand l'extérieur était plein de soleil et d'admirateurs. Mais je ne pouvais pas faire autrement.

Alors, j'ai plongé mon museau sous la mamelle. Finalement, je n'ai pas trouvé ça trop mauvais, le colostrum, et je m'en suis mis jusqu'en haut des oreilles.Une naissance publique, ça crée des liens et des besoins. Le plus souvent possible, durant ma petite enfance, j'ai mis ma tête à la porte pour regarder dehors.

Ce n'était pas facile, car ces ouvertures sont faites pour les chevaux adultes, pas du tout pour les poulains. Je tendais mon encolure au maximum, me mettais sur la pointe des sabots et, le nez en vadrouille, je humais, écoutais, devinais tout ce que je ne pouvais pas voir.

De temps en temps, je m'écroulais de fatigue et dormais. le moins possible. Je ne supportais pas de ne plus avoir accès à ma fenêtre sur le club.

Mon attitude contrariait ma mère. Elle répétait que j'allais grandir tordue, à force de m'étirer dans tous les sens. Quand elle était vraiment en colère, elle disait même que je ne grandirais pas du tout, puisque une bonne croissance se fait en dormant.

À vrai dire, je m'en moquais complètement, et la conversation des humains qui se penchaient à ma fenêtre m'intéressait beaucoup plus que ses longs discours.

 

 

 

 Mireille Mirej, texte original, 2005.

 

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