Au poney-club de Bourg-Neuf, tout marche bien ; on
peut même dire que cela ronronne : bonne nourriture, bonne litière, bons
maîtres, bons cavaliers. Cela nous rend curieux et même friands d'un peu
d'originalité.
Ce jour-là, je me souviens, un camion s'est garé dans la
cour. Évidemment, nous avons tous sorti la tête pour regarder.
Un homme est descendu, côté conducteur ; un garçon,
très mince, a sauté de la place passager. Ils ont ouvert la porte arrière,
descendu le plan incliné, puis l'homme s'est écarté. Le garçon s'est placé en
bas de la rampe et il a sifflé, doucement.
Nous n'entendions aucun bruit, comme si le camion avait
été vide.
Alors, le garçon a appelé sans élever la voix : « Gazon ! »
Quatre sabots se sont mis à bouger, une tête est apparue,
et un cheval est descendu. Il était grand et costaud, sans doute un trotteur ou
un selle français, bien charpenté et musclé, joli, quoi ! Un bien grand
cheval, en tout cas, pour un garçon aussi frêle.
Le cheval a descendu la rampe d'un pas uni et il est allé
planter sa tête dans les bras du garçon.
Nous nous sommes mis à hennir en fanfare, pour dire
bonjour, d'abord. Mais aussi pour communiquer notre admiration. Eh oui ! Gazon
était entièrement nu : pas un licol, pas une longe. Rien ! Et rien
n'aurait pu justifier qu'il soit attaché, puisqu'il ne semblait pas avoir envie
de faire la moindre incartade.
Sage, mais pas très correct ! Il n'a pas répondu à
notre concert de bienvenue.
Agathe, la patronne du poney-club, s'est approchée un peu
effarée, en sautillant sur ses bottes qui lui font des jambes de cigogne.
- Attention ! a-t-elle dit. Vous êtes dans un club,
ici. Les chevaux doivent être attachés.
L'homme a haussé les épaules :
- Il a un licol invisible, vous verrez.
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