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Un cheval dangereux

 

- extrait -

  

Paru au Pré du Plain en juin 2005

www.lepreduplain.com

  

 

 

Au poney-club de Bourg-Neuf, tout marche bien ; on peut même dire que cela ronronne : bonne nourriture, bonne litière, bons maîtres, bons cavaliers. Cela nous rend curieux et même friands d'un peu d'originalité.

Ce jour-là, je me souviens, un camion s'est garé dans la cour. Évidemment, nous avons tous sorti la tête pour regarder.

Un homme est descendu, côté conducteur ; un garçon, très mince, a sauté de la place passager. Ils ont ouvert la porte arrière, descendu le plan incliné, puis l'homme s'est écarté. Le garçon s'est placé en bas de la rampe et il a sifflé, doucement.

Nous n'entendions aucun bruit, comme si le camion avait été vide.

Alors, le garçon a appelé sans élever la voix : « Gazon ! »

Quatre sabots se sont mis à bouger, une tête est apparue, et un cheval est descendu. Il était grand et costaud, sans doute un trotteur ou un selle français, bien charpenté et musclé, joli, quoi ! Un bien grand cheval, en tout cas, pour un garçon aussi frêle.

Le cheval a descendu la rampe d'un pas uni et il est allé planter sa tête dans les bras du garçon.

Nous nous sommes mis à hennir en fanfare, pour dire bonjour, d'abord. Mais aussi pour communiquer notre admiration. Eh oui ! Gazon était entièrement nu : pas un licol, pas une longe. Rien ! Et rien n'aurait pu justifier qu'il soit attaché, puisqu'il ne semblait pas avoir envie de faire la moindre incartade.

Sage, mais pas très correct ! Il n'a pas répondu à notre concert de bienvenue.

Agathe, la patronne du poney-club, s'est approchée un peu effarée, en sautillant sur ses bottes qui lui font des jambes de cigogne.

- Attention ! a-t-elle dit. Vous êtes dans un club, ici. Les chevaux doivent être attachés.

L'homme a haussé les épaules :

- Il a un licol invisible, vous verrez.

 

 

 

 

Le garçon a dit bonjour à Agathe, puis il a avancé de quelques pas dans sa direction. Le cheval l'a suivi, le nez collé à son épaule.

- Dis bonjour à Madame.

- Agathe ! a-t-elle dit, pas Madame !

Gazon a fait un drôle de petit mouvement avec sa tête, puis il a recollé son nez sur l'épaule de son maître.

- Pouvez-vous me dire où est son box ? a demandé le garçon.

- Bien sûr ! a répondu Agathe, juste devant toi, au fond de la cour.Le garçon s'est mis à marcher et le cheval l'a suivi, le nez toujours collé à son épaule.

Agathe s'est tournée vers l'homme avec un petit rire :

- Vous avez raison, il a bien un licol invisible.

Arrivé au box, le garçon s'est mis à parler au cheval qui a décollé son nez quelques secondes pour regarder son écurie.

Ceux qui habitent près du box ont raconté que le garçon expliquait à son cheval toute la vie du poney-club et que le cheval répondait par de petits bruits, comme s'il marmonnait dans sa barbe. Nous, bien sûr, on ne les a pas crus. Même à Bourg-Neuf, les cavaliers les plus gentils ne se donnent pas la peine de nous raconter autre chose que leurs propres soucis. Et nous, bien sûr, on les frotte de la tête ou on leur lèche la main, mais çà ! foi de poney, on ne leur parle pas !

On a pensé que les voisins du nouveau nous racontaient cela pour se rendre intéressants !

En revanche, on regardait le garçon avec beaucoup d'attention : un si gentil que ça, on n'en avait rarement vu et on se promettait déjà de l'attirer de notre côté pour profiter un peu de sa gentillesse.

Tu parles !

 

À Kévin et Baptisterio

 dont j'ai inventé l'histoire sans les connaître.

Puissent-ils me pardonner cet excès d'imagination...

 Mireille Mirej, texte original, 2002.

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