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Récits d'Abymes

 

- extrait -

 

 

 

 

    Je viens d'apprendre que j'ai une tante, de la manière la plus étrange qui soit...

   Il paraît qu'être reçue au baccalauréat scientifique avec mention bien, m'oblige à choisir un autre avenir que les Beaux-Arts.

   Le devoir de ne pas déplaire à mes parents devrait-il me conduire jusqu'à l'âge de la retraite ?

   J'ai décroché ce fichu diplôme, pour me conformer à l'image que ma famille veut montrer au monde. Tant que j'étais mineure, j'ai su rester le reflet de cette entité exemplaire. J'ai honoré mon contrat !

   Depuis hier, je suis majeure. Je désire être enfin moi. J'irai aux Beaux-Arts ou je n'irai nulle part. Je n'ai pas choisi ma vocation pour les enquiquiner. Elle s'est imposée à moi.

   Maman, superbe en ce début d'été : mince, féline, bronzée de la tête aux pieds, plus jeune que moi dans son tailleur seyant, lunettes de soleil relevées derrière sa frange, ornée de ses ors les plus dorés... Maman a laissé craquer sa couche de vernis, parfumé à l'ambre solaire, dans un délire verbal :

   - Les Beaux-Arts ! Aurais-tu perdu la tête ? On croirait entendre ta tante !

   - Ma tante ?

   - Ne change pas de sujet. Je ne veux pas prêter l'oreille à ce projet. Je n'ai pas élevé ma seule fille pour qu'elle périclite dans la peinturlure. Nous ne sommes pas une dynastie de barbouilleurs.

   - Il n'y a aucune honte à devenir peintre.

   - Il n'y a aucun avenir non plus. Juste de quoi habiter sous les ponts, être couverte de poux et vivre aux crochets de ceux qui ont réussi.

   - Quelle image désuète de l'artiste !

   - Tu n'as pas à critiquer ma vision des choses. N'oublie jamais que tu me dois le respect. Sois reconnaissante de ce que nous avons fait pour toi et prouve-nous, dans la poursuite de tes études, que nous avons eu raison d'engager de l'argent et du temps pour si bien t'éduquer. Tes frères, eux...

   - Mes frères sont parfaits, je te l'accorde. Je représente l'unique fausse note vis-à-vis de ce trio harmonieux. Quelle est cette tante dont tu as parlé. Nous avons une tante ?

   - Non ! Elle est morte.

   Maman blêmit sous son hâle, les coins de sa bouche s'abaissent, quelques ridules s'enchevêtrent au creux du menton.

 Mireille Mirej, 1991

Juste quelques photos pour vous aider à patienter.

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