Toute petite déjà,
je disposais d'une imagination gigantesque. Je mentais - disaient les autres -
pour transformer mon quotidien, ou inventais différentes versions de mon
avenir. Durant des années, la lecture m'a permis d'échapper à la réalité. La
quantité d'ouvrages que j'absorbais par 24 heures n'entrait dans aucune des
statistiques qu'on entend aujourd'hui : souvent trois livres dans une
seule journée.
Un jour, pourtant,
il faut prendre pied dans le réel et construire sa vie. À plusieurs occasions,
je me suis aperçue qu'une existence unique n'autorisait pas toutes les issues
souhaitées. Par exemple, il est impossible, à la fois, de rester célibataire,
vivre en ville et voyager partout dans le monde pour son métier, tout en
mettant plusieurs enfants au monde, qu'on élèverait dans une propriété perdue
au fin fond d'une campagne déserte en compagnie d'un mari « parfait ».
L'obligation de choisir, de me limiter et d'accepter que la vie ne soit pas
toujours telle qu'on l'a rêvée, m'a donné envie d'écrire sur toutes ces options
de vie qui ne seraient pas miennes, sur tous les domaines dans lesquels je ne
pourrais me spécialiser.
De ce désir à sa
réalisation, plusieurs années se sont écoulées. Il m'était difficile de trouver
du temps pour écrire entre métier, mari, enfant, amis. Mais un jour, ma routine
trop prenante a basculé, et j'ai rédigé mon premier livre dont l'idée m'était
venue douze ans auparavant. Accouchement difficile ! Rien de plus énorme
que de composer son premier livre.
Il s'agissait d'un
roman pour la jeunesse qui parlait de chevaux. Les chevaux me passionnent,
j'aime les enfants, mais c'était pur hasard, puisque mon intention première
était bien de traiter de sujets destinés aux adultes. Cinq exemplaires sont
partis par courrier chez des éditeurs sélectionnés avec soin en fonction des
titres qui m'avaient fait rêver durant l'enfance. Il m'a semblé alors que tous
étaient revenus chargés d'annotations si nombreuses que je ne pouvais plus
consacrer suffisamment de temps à les modifier. Un jour, pensais-je, je m'y
remettrai.
Deux ans après
cette tentative avortée, Le Père Castor Flammarion m'a appelée :
-
Bonsoir ! Nous venons de retrouver
votre livre sur une étagère où il avait été oublié. Est-il toujours
libre ?
Ivre de joie, j'ai
retravaillé mon texte deux grosses fois. Que les auteurs dont les textes sont
édités sans qu'on leur impose un seul changement se réjouissent ! Un an
après ce merveilleux soir, Un Cheval de Prix est sorti en librairie. Mon
contrat prévoyait une clause de préférence pour les trois suivants. Je me
croyais « arrivée ». Par la suite, Flammarion m'a refusé au moins dix
textes, et il en a été de même pendant dix ans chez tous les éditeurs que j'ai
sollicités.
En mars 2000,
Fleurus a accepté Une vache au Salon pour son mensuel Je lis déjà.
J'ai saisi cette chance pour m'investir plus avant dans l'écriture et je suis
devenue correspondante locale de La Gazette du Val d'Oise, durant
quelques mois. Ce travail m'a permis de rencontrer des gens extraordinaires et
m'a fait prendre conscience qu'on peut difficilement entrer seul en
littérature. La création de Lélia, association d'écrivains et métiers liés de
L'Isle-Adam et ses environs, a porté chance à de nombreux auteurs et débouché
sur des oeuvres communes pour certains d'entre nous.
2003 a vu mon
« grand retour » chez Castor Poche Flammarion avec Clara et les
poneys, sans doute la première série sur les chevaux écrite par un écrivain
français (après les Poly de Cécile Aubry), et a permis également la création, avec des amis auteurs, illustrateurs
et lecteurs, d'une structure éditoriale baptisée Le Pré du Plain. Cette
maison d'édition est spécialisée en littérature jeunesse
mais s'adresse également aux adultes. En
dehors d'une activité
éditoriale traditionnelle,
elle
publie également des textes jugés par des comités de lecture de
classe et des ouvrages réalisés par des enfants et adolescents.
En
2007, nous scindons Le Pré du Plain en deux structures
distinctes. La part purement éditoriale devient
SARL et conserve le nom d'origine. Nous conservons une
part associative, rebaptisée La Pépinière
du Pré, chargée d'interventions dans les
classes, de manifestations autour du livre et d'édition
en petites séries de livres réalisés
par des auteurs en herbe : plus de 50 titres à
ce jour, concernant des élèves de la Maternelle
au Lycée, d'un peu partout en France.
En
2007 également... Flammarion m'a commandé
une série pour remplacer Clara
et les poneys,
qui se passe aux Etats Unis et comporte une héroïne
"glamour". Tout à fait mon truc, n'est-ce
pas ? J'avais donc décidé de ne plus envoyer
un manuscrit à un éditeur et de me consacrer
au Pré du Plain...
Quelques jours après cette grave prise de décision, Pascale
Félix, d'Ivoire-Clair m'a contactée pour donner vie à
plusieurs "manuscrits en quête d'éditeurs".
Grâce à Pascale, deux suites d'Un
cheval de prix sont parues en 2007, inaugurant une
série intitulée Cheval Cité
: Une ponette aux Pruniers et Incidents de
Parcours. En parallèle, Animalvie
a vu le jour avec ses deux premiers tomes : Un hérisson
dans une boîte à chaussures et Un
veau dans l'eau. Chacune de ces séries poursuivra
sa route dans un paysage éditorial bien compliqué
pour les petits éditeurs. Un roman fantastique pour adolescents
a également eu sa chance : Chevaux Chevailes...
et un petit roman sur le recyclage, Pull blanc et pull
mauve, suivi d'un second : Frères et soeurs de
verre...
D'autres rencontres ont eu lieu... comme avec
les Editions Pippa, qui
a fait naître Chercher la p'tite bête
sur d'adorables dessins d'Eve Grosset, puis Entrechats
à Paris, avec ma soeur de plume, Joëlle
Ginoux-Duvivier.
Ensuite,
j'ai eu le plaisir de travailler avec les Editions
Belin et Guillaume Henry pour deux documentaires sur
les chevaux : Les secrets des grands pour les jeunes
cavaliers... A suivi un superbe documentaire en
livre animé pour Milan, un doc à pattes
sur le poney, que j'ai adoré écrire...
(J'espérais bien, d'ailleurs, avoir la chance
d'en concevoir d'autres sur les nombreuses espèces
animales qui me passionnent depuis l'enfance).
Toujours dans les chevaux
avec Oslo (la série du Vallon des chevaux), Hachette
et Lito (des histoires dans des recueils collectifs)...
Et la très belle aventure de l'amitié
avec Galop Passion et Sylvie Hennequin, des histoires
éditées et une BD lancée, Galac
et Nath, avec Nath. B et Matt7ieu Radenac.
Clara
et les poneys a redémarré chez Flammarion
pour une réédition complète en
rose paillettes et cinq histoires inédites, le
tout remixé en deux tomes par volumes, ce qui
complique un peu la donne pour les lecteurs... et un
nouvel arrêt fort contrariant de la série
en 2013. Dix tomes, au total, soit vingt histoires...
des tonnes encore dans ma tête. Envie de poursuivre
sur cet univers qui décrit le milieu du cheval,
ses différentes facettes, comme je l'avais souhaité
lors de la parution de mon tout premier livre : Un cheval
de prix, qui disparaît aussi du catalogue de Flammarion
en 2013. Un peu de mal à comprendre, je l'avoue,
pourquoi les éditeurs français préfèrent
publier des auteurs anglosaxons sur un thème,
très prisé, que nous savons défendre
à notre manière, également.
En
guise de consolation, Delachaux & Niestlé m'a
commandé un documentaire pour les adultes : Mon
enfant est fan de chevaux, grâce à la directrice
de cette collection, Elise Rousseau, et à l'éditrice
Charlotte Jacobsen. Grand plaisir pris pour cette écriture
concrète publiée dans une collection très
agréable à lire.
En
2012, je concluais cette page par : "Faut-il
plus de vingt ans, en France, pour se faire une mini
place au soleil en tant qu'auteur ? Rien n'est gagné
! Il me reste une centaine de manuscrits enfermée dans mes tiroirs et
bien d'autres trames en tête ; quelques projets
très concrets sont en route... et une merveilleuse mission de passeuse des histoires des autres pourrait
presque m'occuper à plein temps... Dans cette
vie-là ou dans une autre, qui sait ? peut-être
arrivera-t-il qu'un écrivain puisse nourrir les
siens de sa plume... Auteur jeunesse, quel beau métier
!!! Mais si aléatoire tant il est difficile qu'un
livre devienne le "produit" rêvé
par les éditeurs !!!"
L'été
2013 fait chavirer la donne, une nouvelle fois, plus
de commandes en cours. Auteur en attente d'éditeur
!!!
Spécialisation
dans les documentaires pour adultes grâce à
Delachaux & Niestlé, encore une fois. Après l'explication
de l'équitation aux parents, voici venu Tout
pour mon chat.
En
parallèle, PF-Editions crée mes premiers
livres numériques en 2014 : Chevaux Chevailes
et un inédit : La Crue.
En
2015, 2016, des commandes et des annulations.
Il
en résulte des parutions un peu confidentielles
:
Un
chat soeur sachant chasser chez Ivoire-Clair, Vies
à Vie au Pré du Plain, deux versions
bilingues de C'est épouvantable, un épouvantail
! illustré par Matt7ieu Radenac, une en maraîchin,
et l'autre, en nord-occitan.
18 histoires
en version audio sont parues à l'été
2017 chez Lunii : Bienvenue au poney-club ! une très
chouette aventure pour une petite boîte magique
"Ma fabrique à histoires".
Au
moment où, selon un dessin humoristique vu à
la rentrée littéraire 2015 "Tout
le monde écrit, et plus personne ne lit",
quelque chose est à réinventer pour
vivre d'un métier
qu'on maîtrise
un peu.
Nous avons tant à dire et à écrire,
nous, les auteurs "jeunesse" qui formons les
lecteurs de demain, j'irai jusqu'à dire : les
citoyens de demain !!!
Fin
2018, alors que Delachaux & Niestlé me commande
"Tout pour mon chien" pour 2019 (Youpie !!!),
je prends la décision de faire paraître
"Un cheval de prix" à nouveau, cette
fois au Pré du Plain, puisqu'il reste en attente
depuis des années maintenant d'une réédition
en numérique pour des histoires au ras des marguerites
de choix de couverture... A défaut d'être
publiée un jour chez 10-18 (les initiés
sauront que c'est pour moi l'heure des écrivains
!), je suis ravie de signer les documents liés
à la réédition de mon tout premier
livre en 10-18 ! Et voilà comment un petit rien
peut enchanter une optimiste invétérée!!!
Grand
bonheur : la Jument de Lune a pris vie chez un vrai éditeur. Cette
nouvelle version est sortie en mars 2020 ! Mais
Covido-le-malsain s'étant invité à la fête,
cette sortie est restée plutôt confidentielle. Pas de salons
ou de dédicaces pour la montrer, il a même
été
compliqué de l'envoyer par la Poste. On va se
rattraper en 2021, si si ! (Enfin euh... pas tellement,
on attend toujours le grand redémarrage_!)
Début
2021, j'apprends avec un plaisir intense que les 18
histoires créées pour "Ma fabrique
à histoires" de Lunii vont également
exister en livre puisqu'il s'agira d'impression à
la demande pour tous ceux qui le souhaiteront. Si vous
ne connaissez pas Lunii, sachez qu'il s'agit d'une aussi
belle histoire pour ces créateurs... que pour
moi ! Très très fière de participer
à ce projet, en tout cas !
Durant
le confinement du printemps 2020, il paraît que
tout le monde a écrit... Moi, pas du tout. Sidérée
par cet événement inédit qui a
consisté à tous nous enfermer avevc pour
objectif affiché de nous sauver, j'ai eu la conviction
soudaine qu'il n'y avait plus rien à écrire.
Heureusement, Matt7ieu Radenac est venu me chercher
pour une coécriture qui s'est déroulée
chaque nuit durant des mois, avec une grande jubilation
finalement. Puis nous nous sommes arrêtés
plusieurs mois avant de reprendre laborieusement. Nous
avons mis du sens dans cette histoire, car rien ne pouvait
justifier de recommencer à écrire en dehors
de cela. Ce roman pour ados paraîtra en fin d'année
2022 ou début 2023 (c'est long !!!) mais je ne
vous dis pas où pour l'instant...
Fin
mars 2021, nous avons vidé nos garde-meubles
et une moitié de famille (mère, fils et
chats) a migré de Parmain - Val d'Oise au vrai
Pré du Plain, en Haute-Saône, terre d'ancêtres.
Pas
facile de s'installer quelque part en plein confinement,
pas facile aussi de survivre aux nombreuses pertes d'êtres
chers survenues pour toutes sortes de raisons autres
que Covido depuis le 10 août 2020... Petit à
petit, les plaies vont sans doute cautériser
et l'envie de créer et organiser revenir solidement...
Tissée
de la tendresse ressentie pour celles et ceux qui ont
disparu, solidifiée par les graines semées
qui germent en sourires et retours positifs, me voilà
repartie pour de nouveaux projets sur ces terres de
Haute-Saône que nous sommes bien trop peu nombreux
à aimer et vouloir faire découvrir...
Mireille
Mirej
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